6 mai - un cri qui rend fou. Le retour.
Un cri qui rend fou, le retour.
Vous allez sans doute vous dire que je vais vous parler des esquimaux…et bien pas du tout. Après, vous allez vous imaginer que je suis devenu obsédé par tous ces types qui sentent le phoque et vivent dans des igloos (ou plus exactement vivaient, si vous vous en référez à mon dernier post). En réalité, j’avais envie de vous parler de Jean-Claude Van Damme (celui qui est aware). Quel rapport avec les esquimaux. Aucun. Pourquoi voudriez-vous qu’il y en ai un ? Ah oui, le cri ! Mais vous savez, un cri peut en cacher un autre.
Il y a bien longtemps, le hasard d’une lecture m’a entrainé au Pérou. Au fond, du Pérou, comme la plupart d’entre vous, je n’avais que l’image de Machu Pichu. Je vous confirme y avoir été…un jour sur 6 semaines. L’histoire que je voulais vous narrer se passe bien loin du Machu Pichu. Elle se passe à Kuelap. Kuelap est un site Chachapoyas du nord du Pérou dans la province d’Amazonas (je sais vous êtes perdus). Si vous avez envie d’avoir une idée, vous n’avez qu’à faire une recherche sur internet (Sheikh google, comme on dit ici). Kuelap est un site plutôt impressionnant situé près de deux milles mètres au dessus d’une rivière. Difficile de ne pas y aller quand on a très envie de s’intéresser à ce qui s’est passé dans cette zone du monde. Mais pour aller à Kuelap, du moins à l’époque, il fallait le vouloir. Le site n’est accessible qu’à pied. Et pour atteindre celui-ci, il faut marcher des heures et uniquement en montée. Les rares touristes qui y vont, louent un cheval. L’idée est plutôt bonne. Mais malheureusement pour moi, j’ai peur des chevaux. Je sais, c’est un peu indécent de vous raconter ça. Mais, entre nous soit dit, je ne vois pas pourquoi. Si ma femme raconte qu’elle a peur des araignées, personne ne va s’en offusquer. Vous avez déjà pris un coup de sabot d’araignée, vous ? Moi, j’en ai pris un jour un d’un cheval…et depuis lors, je milite pour l’extinction de la race chevaline. Donc, pour moi, pas question de prendre un cheval pour monter ce dénivelé fantastique. Par contre, un gamin du village a offert de m’accompagner. Il devait avoir dix ans. J’avoue que j’avais un peu mal au cœur pour lui mais comme il insistait lourdement pour me servir de guide et porter mon casse-croute, je me voyais mal refuser (d’autant que ce qu’il me demandait devait sans doute être suffisant pour faire vivre sa famille une semaine). Je vais vous dire une chose…après deux heures de montée, je n’avais plus aucun scrupule. Le gamin montait comme un cabri et moi, je suais sang et eau et je trainais la patte. Après deux heures de plus, je n’étais plus qu’une épave…soudain, retenti un cri étrange : « TOTO ». Sur le moment, j’ai cru que mon cerveau avec l’altitude et la fatigue me jouait des tours. Le cri a retenti à nouveau : « TOTO ». La vallée a raisonné de ce son mystérieux. J’ai levé la tête pour essayer de déceler l’origine de cette incantation. J’ai vu une centaine de mètres avant moi, mon petit guide qui me regardait le sourire aux lèvres. Et d’un seul coup, il a hurlé : « TOTO ». Il fallait que j’en sache plus. J’ai ramassé le peu de force qui me restait pour le rattraper. Quand je suis arrivé à sa hauteur, il a cru bon de lancer à nouveau un puissant « TOTO ». Je me suis assis à sa hauteur. Il en a fait de même et nous avons partagé mon casse-croute. Pendant qu’il mangeait goulument, j’en ai profité pour l’interroger. Que signifiait ce mot ? Il m’a regardé très étonné. Mais toi qui es belge, tu ne connais pas TOTO ? (en espagnol, c’est plus savoureux). J’ai tenté de rassembler mes souvenirs. Il y a bien, un groupe qui porte ce nom, mais je doute qu’il soit belge. Il y a bien aussi les blagues sur le personnage qui porte ce nom, mais je ne suis pas certain qu’elles soient spécifiques au plat pays. En dehors de ça, je ne vois pas. J’ai donc donné ma langue au chat. Le gamin m’a raconté une histoire étonnante. Dans le village d’où nous étions parti, se trouve un seul poste de télé. Je confirme, je l’ai vu. Ce poste est en noir et blanc (du moins était). Et les images sont floues, et bougent tout le temps. J’ai essayé de regarder un truc avec les gens mais même canal plus est moins brouillé. Pourtant, tout le village, tous les soirs se pressent devant l’écran magique. Et bien, me croirez vous ou non, mais à la télévision péruvienne, du moins à l’époque, on passait des films d’action. Et mon petit indien était devenu fan de Jean-Claude Van Damme. Et TOTO dans tout ça ? Et bien, j’ai appris, à l’occasion de cette passionnante conversation, que dans le nord du Pérou, JCVD était une star et que tout le monde l’appelait TOTO. Evidemment, il a fallu ensuite expliquer à ce gamin que je ne le connaissais pas personnellement (mais il ne m’a pas cru) et que tous les belges n’étaient pas comme lui (et ça, en me voyant, ça lui a paru moins improbable). C’est étrange comme cinq minutes peuvent changer une vie. Aujourd’hui, à chaque fois que je vois Van Damme, je ne peux m’empêcher, en le voyant de me dire intérieurement, « tiens voilà TOTO ». C’est amusant, mais ça l'a rendu plus humain. Moins selfish comme il dirait. Vous voyez qu’un cri peut en cacher un autre.