les posts d'Iban

Quand rien de particulier ne se passe, les souvenirs du passé ressurgissent. Evidemment, je ne peux pas dire qu’il ne se passe rien. J’aurais cent milles anecdotes à raconter sur mes journées mais, pour certaines, elles trahiraient certains secrets et pour d’autres, elles en dégouteraient plus d’un (je pense notamment à une longue conversation que j’ai eu avec un avocat, au demeurant charmant, qui m’a pendant 10 minutes avoué que les gays le faisaient vomir avec force gestes…mais bon, ça n’est quand même pas très surprenant ici). Non, je faisais le tri des photos que j’ai transférées de mon portable vers mon ordinateur et je suis retombé sur les photos que j’avais prises récemment en Egypte. Parmi celles-ci une a plus particulièrement retenu mon attention….celle de jojo le tortionnaire. Evidemment, ce n’est pas son vrai nom. En fait, je ne connais pas son nom du tout. Mais j’aime l’appeler ainsi. On me l’a collé lors de mon dernier projet en Egypte. A peine sorti du gouvernorat où je logeais (au fait, l’Egypte est divisée en gouvernorats avec à leur tête des gouverneurs ….et non pas en province avec à leur tête… des gouverneurs), dès que je franchissais les limites du gouvernorat voisin, il m’attendait avec une escorte de gamins armés de kalach….soit disant, c’était pour ma sécurité. Il devait avoir 50 ans. Ne me demandez pas la couleur de ses yeux. Je n’en sais rien. Il n’enlevait presque jamais ses ray-ban. Il était toujours vêtu de son habit militaire qu’il avait couvert d’une veste couleur camel (je sais, en Egypte, il n’y a pas de chameau mais des dromadaires mais couleur dromadaire n’existe pas). Il tenait toujours à la main son petit carnet. Je ne sais trop ce qu’il y écrivait. Quand j’arrivais dans un village, il collait à mes basques. Il écoutait tout ce que je disais aux habitants du cru….Jojo soit disant ne parlait pas anglais. Moi je pense qu’il le parlait parfaitement sinon, je vois mal ce qu’il aurait pu écrire dans son petit carnet…ou alors, ce type est un maniaque. Au fond, jojo était-il là pour me protéger ou pour me surveiller ? J’avoue qu’avec les gamins équipés de kalach, je ne me sentais pas particulièrement en sécurité. Je m’amusais à l’observer. Il avait une bonne tête de tortionnaire. De ceux qui gloussent quand le suspect crache ses dents. De celui qui rit quand le coupable est secouée des spasmes de la gégène (on est toujours coupable quand on passe entre les mains d'un jojo). Les premiers jours, sa présence me dérangeait. Puis, les jours passant, j’ai fini par le trouver sympathique. Lui même s’est déridé (drôle d’expression, parce qu’au fond, je ne me souviens pas qu’il en avait). Il a fini par sourire, découvrant une dentition de grand prédateur. Après 6 jours, un soir, il nous a annoncé qu’il ne serait pas là le lendemain. J’avoue que j’ai eu un petit pincement au cœur. Le lendemain, justement, je ressentais un vide. Serait-ce cela le syndrome de Stockholm ? Jojo, je reviens bientôt en Egypte. J’espère que tu seras là. Au fond, tu me manques.