17 avril - un post où il est question de petit déjeuner dans les pays du golfe
De l’art d’accommoder ce qui ne s’accommode pas
En caricaturant un peu, je dirais que l’humanité se divise en deux. Deux divisions fondamentales. Non, pas les hommes et les femmes. Un truc plus important. Pas les blancs et les autres. C’est un détail génétique. Pas les Chrétiens et les hérétiques. D’ailleurs, pour les autres, c’est nous les hérétiques. Pas les bons et les méchants. L’appréciation de l’appartenance à une de ses deux catégories est éminemment subjective et varie tellement au cours du temps que ce n’est certainement pas un critère pertinent. Non, la division fondamentale entre les êtres humains, c’est le petit-déjeuner. Il y a ceux qui mangent sucré et ceux qui mangent salé. En principe, sous nos latitudes, du moins depuis le XXème siècle, on mange plutôt sucré. Parfois, le sucré fait une incursion en territoire ennemi. Un œuf sur le plat, éventuellement une tranche de fromage. Mais pas plus. Ailleurs, on est plutôt salé. En Asie, on mange la même chose le matin que le reste de la journée. En Inde, un bon shaorma fera un parfait petit déjeuner. J’ai le souvenir d’un poisson à 6 heures du matin le long du lac Titicaca et d’un steak matinal dans le nord du Pérou. Chez eux aussi, le sucré fait une incursion parfois. Après le bout de barbaque, un petit gâteau pourra tenter d’envahir le territoire salé. Mais finalement, les sucrés restent fondamentalement sucrés et les salés aussi. Jusque là ma vie était simple. Puis il y a eu mon Sheikh. C’est un transgenre de la nourriture (et il n’est pas question ici de saumon et de gomme arabique, voir un autre de mes post). Le petit déjeuner est une expérience. Tout les matins, j’ai droit, du moins quand je suis là, à la même phrase rituellique : « Olivier, manger » (en français dans le texte). Nous descendons dans la cuisine. Il pose au centre de la table une assiette. Il y dépose, du beurre d’arachide, du fromage frais (là, vous vous dites…c’est un sucré. Attendez !), une espèce de mayonnaise très salée (je sens déjà que vous êtes plus intrigués), il prend du miel qu’il renverse sur les autres ingrédients (sucré, 3 points !) et… il attrape une huile d’olive très salée…..dont il arrose copieusement le tout. Après, avec une fourchette, il transforme déjà cette association anormale en une soupe monstrueuse. Nous la mangeons (enfin, surtout lui) avec nos mains, en y trempant une espèce de pain plat. Pour une raison mystérieuse, bien qu’il mange la bouche fermée, il émet les mêmes sons qu’un enfant qui mangerait en oubliant de fermer la sienne. J’avoue que ce moment de la journée n’est pas le plus agréable. Il viole mes certitudes. Il y aurait donc dans l’humanité une troisième catégorie ? A côté des salés et des sucrés, il existerait une minorité qui se revendiquerait des deux mais en adaptant les règles à sa manière. En faisant un mélange contre nature des salés et des sucrés. Mon Sheikh est indubitablement un transgenre du petit dej. Depuis que je l’ai découvert, je suis inquiet. Et si Freud avait raison ? Et si tout était lié à la sexualité ? Depuis 8 jours, je cherche la clé de ma chambre…et je ne l’ai pas encore trouvée. Alors, je ne dors que d’un œil. On ne sait jamais, Herr Sigmund.